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naçant contre les hommes de couleur. Il faisait parfaitement leurs affaires ; il était naturel qu’ils le félicitassent de ses véhémentes paroles. Mais nous verrons par la suite comment ils exploitèrent son absurde aveuglement.


Le général Bauvais avait assisté passivement à l’église, aux accusations portées contre la classe entière dont il était un des représentans ; il avait entendu surtout celle qui se rapportait à la déportation des suisses, à laquelle il avait personnellement consenti : il ne répondit rien au général en chef ! Cependant, il est de ces circonstances où un homme de cœur doit préférer une mort immédiate à l’avilissement de sa personne : Bauvais était avili en ce moment ; il ne le comprit pas !… Au sortir de l’église, il écrivit à Roume et à T. Louverture pour offrir sa démission. Le lendemain, ou le même jour, il se rendit au palais où se tenaient ces deux autorités ; et là, en présence de beaucoup d’officiers, il reprocha à T. Louverture, dit-on avec énergie (nous sommes porté à en douter), d’avoir rappelé la déportation des suisses comme une preuve des préjugés de caste et de couleur contre les noirs, de la part des hommes de couleur[1] ; il lui dit comment ces malheureux avaient été victimes de l’astuce des colons du Port-au-Prince, de la fatale condescendance des hommes de couleur, dans un esprit de paix et de conciliation. C’était présenter une justification tardive et presque personnelle.

C’est à l’église même qu’il fallait prendre la parole, pour protester contre l’inhumaine intention que le général en chef attribuait à la classe de couleur ; c’est là même qu’il fallait récriminer contre lui et lui rappeler que dans

  1. Histoire d’Haïti par M. Madiou, t. 1er, p. 334.