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ferveur ; entrant ensuite dans l’intérieur, il monta dans la chaire d’où il lança des menaces contre les hommes de couleur, en prenant Dieu à témoin de la justice de sa cause et des torts de Rigaud envers lui. Dans ces divers discours, il accusait toujours les hommes de couleur de vouloir rétablir l’esclavage des noirs : nouvelle preuve qu’il feignait de croire qu’il y avait en eux un principe destructif de la liberté, et non pas qu’il les envisageât sous le rapport de caste ni de couleur.

Il ne pouvait persuader les noirs de l’Ouest et du Sud qui avaient vu ces hommes, leurs frères et leurs enfans, à l’œuvre depuis le commencement de la révolution.

Il ne pouvait persuader non plus les noirs du Nord qui avaient vu ceux du Cap déclarer la liberté de leurs esclaves, en demandant à Sonthonax de déclarer la liberté générale. Dufay en a donné le témoignage à la convention nationale.

Il ne pouvait pas persuader même les noirs qui avaient été insurgés avec lui, puisque des hommes de couleur étaient dans leurs rangs, combattant contre les colons.

Mais la terreur qu’il inspirait par ses assassinats fit abonder bien des noirs dans le sens de ces reproches injustes, de ces accusations déloyales.

Cependant, il faut le dire, parce que c’est la vérité, la majorité des noirs gémit partout de ces provocations à la haine d’une classe d’hommes auxquels ils portaient naturellement un vif amour. Son propre neveu, le général Moïse, fut celui qui put oser manifester le plus de regret, devoir T. Louverture tomber ainsi dans le piége que lui tendaient les colons et le gouvernement français ; et si ce n’était l’affinité du sang qui le liait au général en chef, celui-ci l’eût fait périr dès le début de la guerre civile. Il