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décorations attachées à ces titres, en apprenant que ces qualités avaient été aussi restaurées en France : de là leur activité à pousser Dessalines à prendre la dignité impériale.

Quant à lui personnellement, de la manière qu’il a institué son empire, il a prouvé un bon sens admirable ; car en prenant le titre d’Empereur, il n’a voulu évidemment qu’enlever à la France l’espoir que celui de Gouverneur général eût pu lui laisser encore, de voir revenir la population d’Haïti sur la mesure de l’indépendance ; il s’y est déterminé, dès qu’on lui eut démontré l’inconvenance du titre qu’il avait pris le 1er janvier. La preuve que cette idée dominait dans son esprit, c’est que, lorsque ensuite on voulut qu’il créât une noblesse, il répondit judicieusement : Je suis le seul noble en Haïti.

Et cependant, il était un homme du Nord, où l’esprit aristocratique avait toujours eu plus d’influence. C’est qu’apparemment, il pensait qu’un empereur électif n’était que le premier magistrat de son pays[1] ; qu’un jeune peuple qui avait tant combattu pour avoir la jouissance de la liberté et de l’égalité, ne devait pas, à la naissance de son indépendance, s’égarer au point de compromettre son avenir, en adoptant une institution (celle de la noblesse) qui eût créé l’inégalité des conditions.

La seule inégalité qu’il admettait volontiers était attachée aux grades militaires[2] ; et au fait, il se montra plus républicain que son entourage, même en conservant le droit de choisir son successeur parmi les généraux de l’armée ; en disant, comme on le verra bientôt,

  1. C’est ! a définition qu’en donna la constitution impériale de 1805.
  2. Voyez l’article 3 de la constitution impériale.