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souvenez-vous que votre pays ne peut exister qu’en criant aux armes ! de six mois en six mois[1].
Signé : Dessalines.

L’adresse des colons à leurs pareils avait été effectivement signée par quelques hommes de couleur au teint clair, et par des négocians des États-Unis établis dans le pays. Les uns et les autres auraient tremblé, si le gouverneur général n’avait pas eu la générosité de les excuser dans sa lettre et de les rassurer contre toute vengeance, dans le moment où elle s’exerçait sur une si large échelle. C’est après ces actes que nous venons de produire, que Dessalines se rendit au Cap, en passant par les Gonaïves.

À la mi-avril, le massacre des hommes ayant été exécuté sur tous les points, il ordonna celui des femmes et de leurs enfans.

M. Madiou assure qu’il répugnait à ces nouvelles vengeances auxquelles il n’avait pas même songé, et qu’il y fut entraîné par des infâmes qui les provoquèrent. Mais il ajoute avec raison : « Néanmoins, comme il (Dessalines) n’a pas opposé une résistance invincible à ces atroces suggestions, l’histoire ne peut le justifier. »

Cet ordre, d’une cruauté encore moins excusable que celle exercée sur les hommes, ayant été donné au Cap, il est probable que le souvenir des atrocités commises dans ce port, par Rochambeau, y aura contribué. C’est là que

  1. Dans ma jeunesse, j’ai entendu raconter qu’un nommé Laporte, ancien soldat de la 4e, saisit l’occasion de la présence de Dessalines aux Gonaïves, pour crier par toutes les rues : Aux armes ! Pendant un instant la ville fut en émoi. On arrêta Laporte que Dessalines fit conduire devant lui : il le menaça de le faire fusiller. Mais Laporte lui répondit : « Il y a six mois qu’on n’a pas crié aux armes ! Empereur, les autorités n’exécutent pas vos ordres. » Dessalines passa de la colère à une excessive gaîté, en complimentant Laporte.