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putait à Boyer des paroles blessantes pour Daumec, J.-F. Lespinasse et Hogu[1], et l’on disait publiquement au Port-au-Prince, que des officiers de la garde du président, placés sous le commandement supérieur de ce général, avaient formé une cabale pour fustiger Daumec et Lespinasse au moment où ils iraient prêter leur serment. Bien que ces derniers se fussent assurés que le président n’eût pas souffert un tel attentat sur leurs personnes, ils refusèrent la dignité sénatoriale après la décision rendue par le sénat.

L’histoire ne peut attester si cette cabale était réelle ou non ; mais il y a lieu de croire que le général Boyer avait effectivement prononcé les paroles qui lui furent imputées ; et elle se doit à elle-même de les blâmer avec d’autant plus de raison, qu’elles étaient l’effet d’une rancune gardée à Daumec et à Lespinasse, pour leurs discours contre lui pendant la scission du Sud, et que chacun savait qu’il y avait une certaine rivalité entre lui et le colonel Hogu[2].

Quoique doué de grandes qualités, Boyer avait un caractère, — il faut l’avouer, — qui ne lui permit pas toujours d’oublier les propos médisans tenus sur sa personne, à raison de ses relations avec Pétion. Mais comme il n’avait épargné aucun de ses adversaires, dans sa haute position à cette époque même, sa rancune à leur égard n’avait pas de raison d’être. D’ailleurs, il y avait déjà assez de temps écoulé depuis la réconciliation opérée entre l’Ouest et le Sud, pour que les hommes importans

  1. On imputa à Boyer d’avoir dit qu’il ne pouvait consentir a siéger au sénat, avec des intrigans tels que Daumec et Lespinasse, et un ignorant tel que Hogu.
  2. Devenu Président d’Haïti, Boyer se réconcilia avec eux, et ce fut louable de sa part : lors de son élection, Hogu vota en sa faveur comme tous les autres sénateurs.