Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/24

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La punition du coupable exécuteur des ordres sanguinaires de Christophe fut suivie immédiatement de la libération d’environ 300 hommes, femmes et enfans de couleur qu’il avait réunis dans la prison, pour être égorgés le lendemain. Ce fut aux cris de : Vive la République ! Vive le Président d’Haïti ! que cet acte humain s’accomplit.

Cependant, en ce moment même, les cent hommes qu’Almanjor avait d’abord fait arrêter, venaient d’être assassinés à une demi-lieue du bourg du Mirebalais, d’après ses ordres, par le chef de bataillon Jean-Louis Mongoin. En allant contre ce général, Benjamin Noël avait envoyé le lieutenant Logossou pour contremander cette horrible exécution ; mais il était arrivé trop tard. Ce brave colonel et ceux qui l’assistaient n’en éprouvèrent que plus de regret.

Il compensa en quelque sorte ce sentiment douloureux par une autre belle action. Ladouceur et Sébastien, qui avaient craint d’être mis à mort par Almanjor, étaient allés se cacher, attendant la nuit pour se rendre au Port-au-Prince. Benjamin Noël leur fit dire de revenir auprès de lui, qu’il oubliait le passé entre eux, puisqu’ils étaient tous désormais soumis à la République. À leur arrivée, il les chargea de la rédaction de la dépêche qu’il allait envoyer à Pétion à cet effet : c’était un moyen qu’il employait autant pour leur prouver sa sincérité à leur égard, que pour les réhabiliter dans l’opinion des militaires de la 10e, que Ladouceur surtout avait tant vexés quand il était commandant de l’arrondissement. Heureux de cette générosité, ce dernier crut faire plaisir à Benjamin Noël, en le qualifiant de « général de brigade » dans la dépêche. Mais le modeste colonel, qui