Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/45

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nale, à serpent, furent fixées à 6 centimes un quart, 12 centimes et demi, et 25 centimes de la piastre d’Espagne : elles durent avoir cours dans toute l’étendue de la République, comme cette monnaie étrangère elle-même ; et tous ceux qui refuseraient ou tenteraient de discréditer la monnaie nationale, en élevant le prix de leurs marchandises, surtout les denrées alimentaires, seraient arrêtés et emprisonnés, et leurs marchandises seraient confisquées au profit de la police et des hôpitaux. Les fabricateurs de fausse monnaie et de faux billets de caisse devaient être condamnés à mort par les tribunaux compétens.

Le sénat avait bien le droit d’établir de semblables peines ; mais il oubliait une chose essentielle en matière de fabrication de monnaie : c’est qu’elle doit avoir une valeur intrinsèque réelle par les métaux employés, pour qu’elle ait cours facilement, et non une valeur purement nominale. Or, le papier-monnaie n’a que cette dernière valeur et ne peut être reçu dans le commerce, qu’à raison de la confiance inspirée par le gouvernement qui l’émet ; et plus il en émet, plus ce papier est sujet à dépréciation. Quant à la monnaie métallique à serpent, comme elle était alliée à beaucoup de cuivre (environ deux tiers pour un tiers d’argent), elle ne pouvait pas avoir dans les transactions la même valeur que la monnaie d’Espagne, frappée à un titre meilleur qui la fait accepter sur tout le globe. Acceptée cependant dans les premiers temps, selon le vœu de la loi, elle subit insensiblement une dépréciation inévitable qui augmenta, lorsqu’aux États-Unis des fripons imaginèrent de la contrefaire (et la chose était facile) et d’inonder Haïti de leurs faux produits. Dans la République même, on n’eut