Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/468

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envers les philanthropes anglais qui lui conseillèrent de répandre les lumières dans son royaume ; car il n’y établit que des écoles d’enseignement primaire, sous la direction de quelques professeurs protestans, de la fin de 1818 à 1820. Christophe, qui interdisait l’examen des actes affreux de son administration, ne pouvait vouloir sincèrement éclairer son peuple ; car il eût été en contradiction avec son despotisme : ce mode de gouvernement exige un mutisme absolu, et les esprits ne s’éclairent que par la parole et la discussion.

En preuve du prétendu génie qu’on lui attribua, on a dit qu’il eût voulu changer l’idiome et même la religion du peuple haïtien, en lui faisant adopter la langue anglaise. Ce ne serait alors, de sa part, qu’une sottise de plus ajoutée à tant d’autres : la religion protestante facilite la liberté des âmes dont Christophe ne voulait pas. En se rendant indépendans de la Grande-Bretagne, les États-Unis n’ont pas eu la pensée, qui eût été ridicule, d’abandonner la langue anglaise pour adopter la langue française. Les colonies espagnoles ont également conservé la langue de leur ancienne métropole, en s’émancipant. Pourquoi donc Haïti eût-elle désiré de rompre avec la langue française, comme elle a rompu avec la France ?[1].

Mais, Christophe fut réellement conséquent avec le système despotique qu’il pratiquait, quand il refusait d’admettre les Français et leurs navires dans les ports de

    la charité chrétienne impose l’obligation de l’oubli des injures, des offenses, même des plus grands crimes. »

  1. Il n’est pas possible de croire que Christophe eut cette idée, quand on lit les actes de son gouvernement et les écrits publiés par ses secrétaires ; car on ne peut qu’y trouver la preuve qu’ils voulaient écrire en français aussi bien que possible. Le Code Henry seul offrit une rédaction contraire au bon sens, parce qu’on voulait y dissimuler l’adoption de la législation française.