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laissé le mot dans ses actes ; et, pour leur ôter jusqu’au désir de recouvrer la chose, il en avait ou abattu ou laissé périr l’emblème le plus significatif aux yeux des populations qui ne savaient pas lire[1].

Le même jour où l’arrêté du Président d’Haïti fut publié, on vit paraître devant le Cap-Haïtien deux frégates françaises : elles venaient avec une sorte d’opportunité pour justifier la mesure que cet acte ordonnait, et qui était destinée à réveiller le sentiment de la liberté dans le cœur du peuple de cette partie de la République.

C’étaient la Gloire et la Cléopâtre, sortant de la Martinique, et l’amiral Duperré montait sur la première. Ayant appris la mort de Christophe et les événemens qui se passaient, l’amiral venait, pour s’en assurer dans l’intérêt de son pays. Il adressa d’abord une lettre au gouverneur du Cap, pour demander la remise de six matelots et un mousse composant l’équipage d’une goélette, qui était sortie de la Martinique dans la même année et qui fut capturée par un navire du Nord. Il y rappelait que, s’étant trouvé à la Havane, quelque temps auparavant, il avait procuré la liberté à des Haïtiens qui y étaient détetenus pour avoir été sur les côtes de Cuba en contrebande ; et il demandait qu’on agit avec réciprocité par rapport à l’équipage français.

  1. À cette époque, Bruno Blanchet était encore sur sa halte près de Saint-Jean. Il écrivit une lettre à Dugué, notaire du gouvernement au Port-au-Prince, à l’occasion de la mort de Christophe. Il lui disait que cet événement prouvait, comme la mort de Dessalines, que le despotisme ne pouvait durer toujours en Haïti ; et il ajouta : « Il faut sans doute rendre à César ce qui est à César ; mais que César rende aussi au peuple ce qui est au peuple. » Dugué crut y trouver une allusion à Boyer auquel il était déjà opposé, et à la constitution de 1816 qui accordait au Président d’Haïti plus de pouvoir que celle de 1806. Dugué me fit lire cette lettre en me communiquant ses réflexions personnelles à ce sujet. Dans la narration des faits de 1822, je produirai des notes sur la constitution, de la main de Blanchet que le président avait chargé de préparer une révision de cet acte.