Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/137

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triste situation où je me suis mise, que de souffrir vos outrages.

Les larmes qu’elle joignait à ses discours, m’arrêtèrent ; je fus même honteux de l’avoir violentée si fort. Je rejetai ma faute sur l’excès de mon amour. Sylvie ne me répondait plus. Elle pleurait, et la tristesse paraissait peinte sur son visage. Je restai encore quelque temps avec elle. Je ne pus sécher ses pleurs qu’à moitié, et elle était encore désolée lorsque je me retirai ; elle m’en pria même de la façon du monde la plus tendre et je sortis plus amoureux que je n’étais auparavant.

Il était près de trois heures lorsque je rentrai chez moi. Je passai le reste de la nuit à penser à ma maîtresse. Le matin je reçus ce billet. Rendez-vous à trois heures dans ma loge ; j’ai à vous parler d’une affaire qui me regarde. N’y manquez pas ; je vous attends. Je fus ponctuel, et je trouvai Sylvie seule. Elle allait se mettre à sa toilette. Son air sérieux, que je croyais devoir être dissipé par l’intervalle de près de douze heures, m’étonna. Asseyez-vous, me dit-elle ; je veux vous parler.

« Si je n’avais pas résolu de ne vous plus voir, continua-t-elle je serais la dernière des