Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/146

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pourrait les réparer ; je n’ai trouvé qu’un seul moyen : voyez s’il vous paraîtra bon. Je lui donnai en même temps la promesse que je lui avais faite avec le dédit. Que voulez-vous que je fasse de cela, me dit-elle en le déchirant ? Allez, vous n’êtes pas sage ; je panse mieux que vous ne croyez : vous n’êtes point votre maître, vos parens ne consentiraient jamais à un pareil établissement, et quand vous pourriez disposer de votre main, j’ai trop de délicatesse pour vouloir attacher votre sort à celui d’une infortunée comédienne. C’est pourtant cette infortunée comédienne, lui dis-je, qui réglera le destin de ma vie ; c’est elle que je veux rendre heureuse, ou, si je ne le puis pas, je vais quitter un monde qui m’ennuie. Promettez-moi de conserver la promesse que je vais vous faire, ou je pars cette nuit pour la Grande-Chartreuse. Sylvie me connaissait capable de cet emportement : pour me retenir, elle promit ; je lui fis donc une promesse semblable à l’autre, et, m’étant piqué le doigt avec une épingle, je la signai de mon sang.

Dès ce jour, je la regardai comme une personne qui devait être mon épouse ; je l’appelais ma femme, elle m’appelait son mari