Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/149

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lorsque je fus au détour de la première rue, je trouvai un homme qui, me voyant dans cet équipage, me prit sans doute pour un lutin qui excitait cette tempête ; la peur lui donna des forces pour courir ; je me mis à ses trousses et le poursuivis le flambeau à la main, comme une furie, pendant près d’une demi-heure ; ce misérable poussait des cris étonnans. Enfin, ayant trouvé par bonheur une allée ouverte, il entra dedans et ferma la porte après lui, et moi j’allai me coucher assez fatigué.

Mon bonheur était trop grand pour pouvoir durer. Je ne tardai guère à voir commencer cet enchaînement de maux qui m’ont suivi jusqu’à présent. Une nuit que j’étais dans la loge de Sylvie, sa mère vint à s’éveiller ; elle l’appela, et ne recevant point de réponse, la curiosité la fit lever pour voir ce que sa fille faisait ; elle entra dans sa chambre et de là elle passa jusqu’à la salle de la comédie. Nous l’entendîmes venir ; je n’eus que le temps de descendre sous le théâtre ; Sylvie alla au-devant d’elle. Que faites-vous ici à cette heure, lui dit la vieille comédienne ? Je repassais mes rôles, répondit la fille. J’ai cru apercevoir quelque clarté dans