Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/162

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connaître un qui parlait assez bien français, et qui était chevalier du Saint-Office, autrement dit Inquisition. Il m’assura d’abord que rien n’était si facile que de me marier ; que le concile de Trente était reçu en Espagne purement et simplement ; que le consentement de parens n’était point nécessaire. Il se chargea d’en parler au grand-vicaire.

Le lendemain il vint nous voir de sa part et nous prier d’aller chez lui. Nous y fûmes avec Sylvie. Il nous dit qu’il nous marierait, mais qu’il fallait auparavant que nous nous missions pendant trois jours dans un couvent, pour marquer notre soumission à l’église. Ce mot de couvent fit peine à Sylvie ; le grand-vicaire s’en aperçut, et lui dit fort obligeamment, qu’il voyait qu’elle n’allait point volontiers chez des religieuses, mais qu’il la mettrait dans une maison auprès de quelque dame, ce qui ferait le même effet. Ce fut chez madame de Pedrejas, intendante de Catalogne, que Sylvie fut mise en dépôt. Quant à moi, on me donna le couvent des Mathurins pour retraite. J’étais pourtant le maître d’aller voir ma maîtresse, lorsque je voudrais ; ce fut ce qui nous perdit tous les deux.