Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/210

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que nous n’entendions pas. Dès l’instant qu’il les eut dits, la discorde se mit parmi mous. Nos femmes voulurent sortir. Les turques sur-tout paraissaient fort effrayées. Le juif s’arrachait les cheveux. Le seul esclave anglais gardait un silence, où il paraissait entrer du mystère. Nous lui demandâmes ce que voulait cet homme. Il nous dit que c’était le jardinier de la maison ; qu’ayant entendu qu’il y avait des femmes, il était entré pour s’en éclaircir ; qu’il voulait aller avertir les turcs, son maître ne nous ayant pas laissé son jardin pour cet usage ; qu’il fallait tâcher de l’appaiser par quelque argent.

À ce mot, nous comprîmes aisément que c’était un jeu joué entre l’anglais et le more, pour nous obliger de leur donner quelque chose. C’était aussi ce que nous pouvions faire de mieux. Je le proposai à Cougoulin. Il me traita de ridicule. Cette bagatelle vous embarrasse, me dit-il ! Pardi, voilà quelque chose de bien difficile. Je m’en vais tuer ce more. Nous attacherons l’esclave anglais pour le reste de la nuit, afin qu’il ne nous soit point à charge, et, dès la pointe du jour, nous regagnerons nos vaisseaux, et les filles et le juif s’en iront de leur côté. Personne n’est dans