Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/212

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de ce misérable. Ha ha, dit Virville, vous voulez qu’on le sacrifie à mademoiselle Sylvie. Eh bien soit ; tout nous est égal autant vaut-elle qu’Hécate. Si au lieu de l’avoir menée en Espagne tu l’eusses conduite ici, nigaud, elle aurait pu elle-même faire le sacrifice ; c’aurait été une Iphigénie en Barbarie.

Voyant combien peu j’avançais auprès d’eux, je m’adressai à Clairac. Eh quoi, lui dis-je, chevalier, vous qui êtes rempli de sentimens, pouvez-vous penser de la sorte ? Allons, me dit-il, puisque tu le veux, il en sera quitte pour la peur. Messieurs, continua-t-il, je sais un moyen moins violent que celui dont vous voulez vous servir. Renvoyons les deux turques que nous avons ; je garderai ici le more avec Virville et d’Argens avec Cougoulin conduiront l’anglais qui leur ira ouvrir la porte. Une fois que ces femmes seront hors du jardin, nous refermerons la porte, et nous n’aurons plus rien à craindre.

Nous nous rendîmes tous à son opinion, et nous dîmes à l’esclave anglais de venir avec nous. Lorsqu’il vit qu’il perdait le fruit de l’avanie qu’il voulait nous faire, il tâcha de rassurer les turques, pour les obliger à rester. Elles étaient trop effrayées ; elles voulurent