Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/237

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mérites cachés, et jamais Centaure n’avait rien porté d’égal. Soit vanité, soit qu’il tirât de là quelque profit, il était coutumier d’en exhiber la vue à la plupart des filles qui venaient chez lui : quelques unes n’en étaient point fâchées ; d’autres en profitaient ; d’autres s’en scandalisaient. Une dévote qui se trouvait de ce nombre porta sa plainte aux consuls[1] ; ils firent arrêter d’Qrigny et le condamnèrent à mille écus d’amende et à être mis sur le cheval de bois pendant trois jours à l’heure du marché. D’Origny appela de cette sentence au parlement : je plaidai pour lui et gagnai son procès.

Cette cause, qui dans le fond était une plaisanterie, me donna quelque goût pour mon métier ; je fus applaudi : rien ne flatte plus les jeunes gens. Je voulus montrer que j’étais capable de quelque chose de plus sérieux ; je me chargeai d’une cause très-importante

  1. L’on sait que dans plusieurs villes, telles que Lyon, Marseille, les officiers municipaux portaient le nom de consuls. C’était un reste de l’ancien usage que les villes des Gaules avaient adopté sous les Romains, de donner à leurs magistrats le nom que portaient ceux de la république, et une forme, à quelques égards, analogue.