Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/280

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venir à moi deux Français, que je reconnus pour le chevalier de Chassé et pour le baron de Lignac : je les appelai par leurs noms : ils accoururent l’épée à la main. Mais quelle fut la surprise de Chassé, lorsqu’un de mes assassins l’appelant par son nom, lui dit : Arrête, Chassé ! ne défends point un traître. Cette voix, qu’il reconnut pour celle de sa maîtresse, le pétrifia. Quoi ! lui dit-il, c’est vous, Carestina ? Oui, oui, c’est elle, répondit Ninesina (car c’étaient là mes deux assassins) : c’est elle qui a voulu venger son amie. J’ai manqué mon coup cette fois, mais je réussirai mieux une autre. J’étais si étonné que je ne dis pas un seul mot. Ces femmes partirent dans le même instant ; Chassé les suivit jusque chez elles.

Il parla à sa maîtresse, pour lui remontrer combien l’action qu’elle venait de faire était affreuse. Écoute Chassé, lui dit-elle ; nous sommes amies et parentes, Ninesina et moi. Nous étions tranquilles avant de vous connaître ; vous êtes venus troubler notre liberté ; nous avons été assez faibles pour croire vos sermens ; nous nous sommes juré que nous nous aiderions mutuellement à poignarder nos amans, s’ils devenaient infidèles : que cet