Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/291

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qui les eût. Celle-ci était la confidente de la Cadière, la dépositaire de ses plus grands secrets, et c’est ainsi qu’elle avait obtenu la communication de son onguent.

Cependant ces stigmates firent un bruit étonnant. Le jésuite, fin et rusé, vit que la chose était poussée trop loin, et il songea à tirer son épingle du jeu ; mais comme il ne prévoyait pas ce qui arriverait, il ne prit pas assez de précautions. La Cadière lui ayant parlé des stigmates qu’elle disait que Jésus-Christ lui avait imprimées lui-même, le père Girard lui fit entrevoir quelques soupçons, et il ne put s’empêcher de dire qu’il semblait que la peau avait été brûlée avec quelque onguent. J’ai une stigmate à côté du cœur, qui pénètre bien plus avant répondit la Cadière. Elle avait raison ; dès sa jeunesse, elle avait eu des écrouelles, dont elle n’était point entièrement guérie au sein gauche.

Le jésuite fut curieux de voir si elle accusait vrai ; il s’enferma imprudemment dans sa chambre, où elle lui montra cette prétendue plaie : c’est ici le fait du procès ; c’est de cet enfermement que les jansénistes ont tant parlé, et qu’ils ont prétendu être une preuve incontestable du concubinage du jésuite avec sa