Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/293

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car l’enfermement a été après tous ces crimes imaginaires. Soutenir pareille chose, c’est en vérité vouloir éprouver jusqu’où peut aller là licence du paradoxe.

L’amour n’était pas la faiblesse du jésuite ; il était dans un âge où rarement le cœur est rempli de feux. L’ambition était chez lui la passion dominante ; aussi vit-il avec peine qu’il fallait désormais qu’il séparât ses intérêts de ceux de la Cadière : elle avait poussé les choses trop avant par les stigmates ; elle avait déjà débité son fameux Carême, c’est-à-dire un écrit qu’elle avait envoyé à l’Evêque où elle prétendait avoir passé quarante jours sans manger. Il se passait peu de jours, qu’elle ne voulût faire quelque miracle.

Le père Girard fit pressentir à monsieur l’Evéque qu’il croyait que dans la conduite de sa pénitente il pourrait y avoir quelque chose de trop outré. Il sut engager adroitement la Cadière à se retirer au couvent d’Olioules, petit village à deux lieues de la ville, croyant qu’éloigné d’elle, il pourrait peu à peu s’en débarrasser.

Mais la Cadière continua à jouer son jeu ; elle avait trop pris de goût à faire des miracles, pour vouloir s’arrêter en si beau