Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/317

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résolus de me tirer d’affaire en dissimulant. Je me mis à table et me contraignis le plus qu’il me fut possible ; quelque temps après, je fis semblant d’avoir quelques nécessités ; et, m’étant ôtée de table, je sortis de la maison et gagnai le plus vite qu’il me fut possible le grand chemin qui n’en était qu’à cent pas. Je rencontrai un paysan à qui je promis un louis, s’il me conduisait jusqu’à la ville, sans me quitter. Il fut fort étonné d’un gain aussi considérable, car nous n’en étions pas éloignés de la portée du fusil. Lorsque je fus arrivée, j’entrai dans la première boutique, et j’écrivis à Vintimille que je le priais de venir me trouver dans l’église des Augustins. Je lui envoyai cette lettre par le paysan.

» Une demi-heure après, il vint m’y joindre. Je lui appris mon aventure ; il me jura mille fois qu’il mourrait plutôt que de m’abandonner, et me conduisit chez une femme de ses amies, chez laquelle il me mit en dépôt. Ma sœur ne me voyant point revenir, sortit de table pour me chercher ; elle visita la maison du haut en bas, elle parcourut le jardin ; enfin elle retourna à la ville, et elle envoya partout où elle croyait que j’aurais pu me retirer. Vintimille la tira de peine ; il alla lui