tous les jours des chevaux et des soldats tués dans leurs tentes. J’avais reçu mon frère dans celle d’un officier de mes amis ; un boulet de canon passa tout au travers, et emporta la moitié de la Marquise, sans toucher heureusement à quatre personnes qui étaient dedans, et fut, à vingt pas de là, casser la cuisse à deux chevaux. On trouva dans la suite le moyen d’empêcher les ennemis de tirer dans le camp, en jetant une bombe au milieu de la ville chaque fois que leur boulet y venait.
À peine fus-je à Strasbourg, que le bataillon reçut ordre d’aller joindre les deux autres. Nous atteignîmes l’armée comme elle filait vers Spire, où nous restâmes sous les ordres de M. le duc de Noailles. De là, nous nous avançâmes jusques à deux lieues de Worms. J’y reçus une lettre de ma chère Sylvie. Elle m’apprenait qu’elle passerait l’hiver en France, et que, si je pensais toujours de même, il ne tiendrait qu’à moi qu’elle ne se justifiât de tout ce que j’avais pu lui imputer. Cette nouvelle me causa une joie sensible ; mais comme je n’ai jamais pu goûter de bonheur parfait, il m’arriva un accident dont je me ressentirai le reste de ma vie.