Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/35

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’ambassadeur arriva à Berlin ; il joua très-poliment le duc et pair, et fit une épigramme contre le poète.

» C’était alors le privilège de la poésie, de gouverner les États. Il y avait un autre poète à Paris, homme de condition, fort pauvre, mais très-aimable, en un mot, l’abbé de Bernis, depuis cardinal. Il avait débuté par faire des vers contre moi, continue Voltaire, et ensuite était devenu mon ami, ce qui ne lui servit à rien ; mais il était devenu celui de madame de Pompadour, et cela lui fut plus utile : on l’avait envoyé du Parnasse en ambassade à Venise ; il était alors revenu à Paris, il y avait un grand crédit.

» Le roi de Prusse avait glissé dans ses poésies un vers contre l’abbé de Bernis :


Évitez de Bernis la stérile abondance.


» Je ne crois pas que ce vers fût parvenu jusqu’à la connaissance de l’abbé ; mais, comme Dieu est juste, Dieu se servit de lui pour venger la France du roi de Prusse. L’abbé conclut un traité offensif et défensif avec M. de Staremberg, ambassadeur d’Autriche, en dépit de M. Rouillé alors ministre des affaires étrangères. Madame de Pompadour présida à cette négociation. M. de Rouillé fut obligé de