Les Italiens sont bien éloignés d’avoir des préjugés aussi ridicules. Véritables amateurs des beaux arts, ils se gardent bien de flétrir ceux qui les font briller. Senesini, Scalsi, Fafarlini sont aimés, chéris à Rome : non seulement on ne les regarde pas comme in-
tude, ses soins accoutumés, mais pourtant avec moins d’attache. Cette anecdote, que nous tirons d’une Vie manuscrite de la Guérin, qui se trouvait dans la bibliothèque de feu M. le président de Menières, mort en 1778, valait la peine d’être connue ; et, quoiqu’elle annonce une assez grande dépravation dans ce célèbre acteur, elle n’empêcha pas qu’il ne fit paraitre sur la scène de très-grands talens : on l’appelait le Roscius de son siècle. Il disait lui-même que tous les cent ans l’on voyait un César, mais qu’il en fallait deux mille pour produire un Baron. Un jour son cocher et son laquais furent battus par ceux du marquis de Biron avec qui Baron vivait en familiarité. « M. le marquis, lui disait-il, vos gens ont maltraité les miens, je vous en demande justice ». Il revint plusieurs fois à la charge, se servant toujours des mêmes termes de vos gens et des miens. M. de Biron, choqué du parallèle, lui dit : « Mon pauvre Baron, que veux-tu que je te dise, pourquoi as-tu des gens. » Baron avait reçu tous les dons de la nature ; il donnait un nouveau lustre aux pièces qu’il jouait. Il mourut en 1727, âgé de soixante-dix-sept ans.