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LETTRE VIII.



La bonne philosophie est inconnue en Espagne ; il n’est pas de pays dans l’Europe, où il soit plus expressément défendu de penser et d’agir en conséquence. Il en coûta cher à Galilée d’avoir rendu publique une découverte que la vérité a confirmée. En un mot, ce philosophe fut enfermé dans l’âge le plus avancé, pour avoir démontré une proposition que l’ignorance des moines n’approuvait point. C’aurait été encore pis en Espagne.

Les Italiens n’écrivent pas, mais ils pensent ce que les autres écrivent. Gênés par l’inquisition, ils se contentent de nourrir leur esprit des ouvrages des autres nations. Les Espagnols n’écrivent ni ne pensent. Leurs livres philosophiques sont des ramas d’idées fausses et gigantesques, puisées dans les ouvrages inintelligibles d’Aristote et de ses disciples, dont les moines leur permettent la lecture.