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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/414

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aux hommes, comme il faut nécessairement que cela arrive pour qu’ils aient leurs corps parfaits, quelle difficulté ou plutôt quelle honte trouves-tu aux plaisirs délicieux que Mahomet nous promet ? Lorsque Dieu créa Adam et Eve dans l’état d’innocence, supposé qu’ils y eussent toujours resté, n’auraient-ils pas goûté les charmes de l’amour, ses transports, ses soupirs, cette jouissance, qui nous attend dans le ciel ? tout cela ne leur eût point paru honteux ; ils auraient pourtant été dans un état aussi pur et aussi saint que celui où seront les justes. S’il y avait de la bassesse à contenter des désirs aussi innocens que ceux de l’amour, il y en aurait autant à jouir des plaisirs des autres sens. Or c’est ce qui n’est point, puisque les anges mangent en paradis ; aussi est-il dit dans la Bible, que la manne, que le Tout-puissant fit tomber dans le désert en faveur des juifs errans, était la nourriture des anges.

Quelque faibles que fussent ces raisons, j’étais surpris de voir qu’elles eussent une apparence de bon sens : je ne m’étais pas persuadé qu’on pût colorer de pareilles impertinences. Son excuse pour la pluralité des femmes, n’était pas ce qui me surprenait ;