Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/420

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

voyez bien que cela tombe sur M. le duc de Vaujour, et sur M. le comte d’Ayen. Quoique je n’aie pas l’honneur de reconnaître le dernier, je ne craignais point de dire qu’il était fait pour plaire. La voix du peuple est la voix de Dieu ; il est estimé trop généralement, pour que j’eusse peur de mentir en le louant.

J’ai été, pendant mon séjour à la Haye, à un fort beau concert que donne le célèbre Francisco Lopez de Liz, juif portugais, qui a des richesses immenses. Cette assemblée se tient chez lui, tous les mardis, dans une salle superbe par la dorure et les ornemens ; tout honnête homme peut y aller, il est sûr d’être parfaitement bien reçu. Les rafraîchissemens et les confitures y sont répandus avec profusion. On dit que la dépense de ce concert va à plus de quatre-vingt mille livres de notre monnaie par an ; je le croirais sans peine. Je n’ai vu chez aucun prince souverain rien d’aussi magnifique.

J’ai eu une conversation assez plaisante, avec ce riche particulier, sur les filles de l’Opéra ; il doit les connaître mieux que personne ; elles lui ont assez coûté : c’est en vérité un fort honnête homme et généralement aimé dans