Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/65

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Le roi aimait à le contredire sur son goût pour ce genre d’érudition ; il lui disait souvent : « Ne me parlez point de vos Pères, ce sont des corps sans âmes. » Lorsqu’il lai donna un appartement dans le château neuf de Sans-Souci, il y conduisit lui-même le marquis et sa femme, et lui en fit remarquer tous les agrémens et les commodités[1]. Il y avait fait arranger une bibliothèque où des in-folio

  1. Madame la marquise d’Argens et la célèbre danseuse Barbarini, sont les seules femmes qui aient eu un logement dans le palais du roi ; cette dernière était aimée de Frédéric, et toutes les personnes de distinction qui venaient à Berlin, lui faisaient la cour. Néanmoins elle quitta, Berlin pour retourner à Venise, sa patrie ; mais le roi la fit de nouveau rappeler : il allait quelquefois la trouver après qu’elle avait dansé, et il prenait le thé avec elle ; quelquefois il la faisait souper chez lui avec deux ou trois dames et quelques gentilhommes ; le comte de Rotembourg, le comte Algaroti et le chevalier de Chazols étaient ordinairement de la partie, et le roi feignait de croire qu’ils en étaient amoureux. Chazols répondait qu’il ne jouait le rôle que de Mercure. Un Anglais l’enleva, et le roi la fit enlever à son tour ; enfin un des fils du grand chancelier Cocceji voulut l’épouser. Le roi le permit, et la laissa partir pour aller vivre dans une terre qu’elle avait acquise moyennant les libéralités du roi et le produit de ses talens. (Denina ; Vie de Frédéric II, p. 114)