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Thérèse

Il eſt donc évident que la jalouſie n’eſt pas une paſſion que nous tenions de la nature, c’eſt l’éducation, c’eſt le préjugé du pays qui l’a fait naître. Dès l’enfance une fille à Paris lit, entend dire qu’il eſt humiliant d’eſſuyer une infidélité de ſon amant : on aſſure à un jeune homme qu’une maîtreſſe, qu’une femme infidele bleſſe l’amour propre, deshonore l’amant ou le mari. De ces principes ſucés, pour ainſi dire, avec le lait, naît la jalouſie, ce monſtre qui tourmente les humains en pure perte, pour un mal qui n’a rien de réel.

Dinſtinguons néanmoins l’inconſtance de l’infidélité. J’aime une femme dont je ſuis aimé : ſon caractere ſympathiſe avec le mien ; ſa figure, ſa jouiſſance fait mon bonheur ; elle me quitte : ici la douleur n’eſt plus l’effet du préjugé, elle eſt raiſonnable, je perds un bien effectif, un plaiſir d’habitude que je ne ſuis pas certain de pouvoir réparer avec tous ſes agrémens ; mais une infidélité paſſagere, qui n’eſt que l’ouvrage du plaiſir, du tempéramment,