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Thérèse

doit arriver pendant l’éternité ; mais Dieu, dit-on, ne connoît ce qui doit réſulter de nos actions, qu’après avoir prévû que nous abuſerions de ſes graces, & que nous commettrions ces mêmes actions ; il réſulte néanmoins de cette connoiſſance, que Dieu en nous faiſant naître ſçavoit déja que nous ſerions infailliblement damnés & éternellement malheureux.

On voit dans l’Ecriture ſainte que Dieu a envoyé des Prophêtes pour avertir les hommes & les engager à changer de conduite. Or, Dieu qui ſçait tout, n’ignoroit pas que les hommes ne changeroient point de conduite. Donc l’Ecriture ſainte ſuppoſe que Dieu eſt un trompeur. Ces idées peuvent-elles s’accorder avec la certitude que nous avons de la bonté infinie de Dieu.

On ſuppoſe à Dieu qui eſt tout-puiſſant, un rival dangereux dans le Diable, qui lui enleve ſans ceſſe malgré lui les trois quarts du petit nombre des hommes qu’il a choiſis, pour leſquels ſon fils s’eſt ſacrifié, ſans s’embarraſſer du reſte du genre