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Thérèse

celui que j’occupois dans un Hôtel garni. Elle eut la complaiſance de ne me preſque point quitter pendant le premier mois, qui ſuivit la mort de ma mere, & je lui dois une reconnoiſſance éternelle des ſoins qu’elle ſe donna pour ſoulager l’affliction dont j’étois accablée. Madame de Bois-Laurier étoit, comme vous l’avez ſçu, une de ces femmes que la néceſſité avoit contrainte pendant ſa jeuneſſe de ſervir au ſoulagement de l’incontinence du Public libertin, & qui, à l’exemple de tant d’autres, jouoit alors incognito le rôle d’honnête femme, à l’aide d’une rente viagere qu’elle s’étoit aſſûrée de l’épargne de ſes premiers travaux.

Cependant l’affliction qui me dévoroit, fit place aux réflexions. L’avenir me fit peur : je m’en ouvris à mon amie ; je lui confiai l’état de mes finances, & ce que j’enviſageois d’affreux dans ma ſituation. Elle avoit un eſprit ſolide & affermi par l’expérience. Que vous êtes peu ſage, me dit-elle un matin, de vous inquiéter auſſi