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Thérèse

voit. La naïveté de mes réponſes la convainquit de mon innocence, & je me rendormis : nouveaux chatouillemens de ma part, nouvelles plaintes de celle de ma mere. Enfin après quelques nuits d’obſervation attentive, on ne douta plus que ce ne fut la force de mon tempérament, qui me faiſoit faire, en dormant, ce qui ſert à ſoulager tant de pauvres Religieuſes en veillant. On prit le parti de me lier étroitement les mains, de maniere qu’il me fut impoſſible de continuer mes amuſemens nocturnes.

Je recouvrai bien-tôt ma ſanté & ma premiere vigueur. L’habitude ſe perdit, mais le temperamment augmenta. A l’âge de neuf à dix ans je ſentois une inquiétude, des déſirs dont je ne connoiſſois pas le but : nous nous aſſemblions ſouvent, de jeunes filles & garçons de mon âge, dans un grenier ou dans quelques chambre écartée. Là nous jouions à de petits jeux : un d’entre nous étoit élû le maître d’Ecole, la moindre faute étoit punie par le fouet. Les gar-