Page:Argens - Thérèse philosophe (Enfer-402), 1748.djvu/245

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
63
Philosophe.

ſentiment que le Peintre y avoit donné. Deux Athlétes, qui étoient à la partie gauche du Tableau des Fêtes de Priape, m’enchantoient, me tranſportoient, par la conformité du goût de la petite femme au mien. Machinalement ma main droite ſe porta où celle de l’homme étoit placée, & j’étois au moment d’y enfoncer le doigt, lorſque la réflexion me retint. J’apperçus l’illuſion ; & le ſouvenir des conditions de notre gageûre m’obligea de lâcher priſe.

Que j’étois bien éloignée de vous croire ſpectateur de mes foibleſſes, ſi ce doux penchant de la nature en eſt une : & que j’étois folle, grands Dieux, de réſiſter aux plaiſirs inexprimables d’une jouiſſance réelle ! Tels ſont les effets du préjugé : ils ſont nos tyrans. D’autres parties de ce premier tableau excitoient tour à tour mon admiration & ma pitié. Enfin je jettai les yeux ſur le ſecond. Quelle laſciveté dans l’attitude de Vénus ! Comme elle, je m’étendis mollement ; les cuiſſes un peu éloignées, les bras voluptueuſement ouverts,