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Thérèse

ſons ; c’étoit alors le ſtyle de la gent miſtique de la Ville, & même de la Province. Ses maniéres modeſtes lui avoient acquis depuis long-temps la réputation d’une haute vertu. Eradice avoit de l’eſprit ; mais elle ne l’appliquoit qu’à parvenir à ſatisfaire l’envie démeſurée qu’elle avoit de faire des miracles ; tout ce qui flattoit cette paſſion, devenoit pour elle une vérité inconteſtable. Tels ſont les foibles humains : la paſſion dominante dont chacun d’eux eſt affecté, abſorbe toujours toutes les autres : ils n’agiſſent qu’en conſéquence de cette paſſion ; elle leur empêche d’appercevoir les motions les plus claires qui devroient ſervir à la détruire.

Le Pere Dirrag étoit né à Lôde. Lors de ſon avanture il avoit environ cinquante-trois ans ; ſon viſage étoit tel que celui que nos Peintres donnent aux Satyres. Quoiqu’exceſſivement laid, il avoit quelque choſe de ſpirituel dans la phyſionomie. La paillardiſe, l’impudicité étoient peintes dans ſes yeux : dans ſes actions il ne paroiſ-