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LE MONDE.

obéissance confiante à l’abbé Gratien, il essayait de prier encore. Il avait, du reste, conservé un léger espoir de récupérer son énergie d’autrefois et il croyait encore à la puissance de la volonté ; il avait foi malgré tout aux vertus de la cabale : il avait faibli sans doute, puisque le monde extérieur avait eu barres sur lui, mais peut-être cette épreuve n’aurait-elle qu’un temps. Il examinait ainsi son âme tout en regardant le grand squelette de l’église se profiler dans cette nuit tranquille : il avait ainsi accoutumé, lorsqu’il se repliait sur sa pensée, de suivre des yeux quelque phénomène, quelque objet.

Ce soir-là, il voulut se rendre un compte exact de lui-même et s’interrogea nettement. Une première chose, d’abord, le consola : son enfance pure, ses aspirations hautes d’antan ; Dieu, dans son jugement, lui devait pour cela son indulgence. La source de ses péchés lui parut être dans l’orgueil et cette pensée se présenta à lui : « Celui qui s’élève sera abaissé. » Il avait sans doute voulu s’élever trop haut, et, voulant tendre à la vertu, n’avait-il pas rêvé la toute-puissance qui, seule, est de Dieu même. La phrase symbolique : « Le Verbe fut fait chair, » doit-elle être réalisée par l’homme ? Le Verbe dans l’interprétation