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L’ENFANCE.

comme une ombre dans l’appartement antique, froid et haut, en laissant suinter sur lui un mou regard gris de tristesse ; dans un fauteuil, sa mère lisant un roman.

Entre ses parents, l’amour avait disparu depuis longtemps ; l’amitié ne l’avait pas remplacé. L’unisson ne pouvait être entre ces deux natures. Son père regardant d’un œil mélancolique un avenir assombri par une imprudente mésalliance, sa mère aux idées inexistantes, jalousant un homme supérieur… Mais entre eux, jamais de querelles ; une chose seulement, plus terrible, le silence. Jacques grandit dans ce silence. L’enfant, ne trouvant pas d’écho à ses effusions, se renferma. Il reçut peu de caresses, il n’essaya plus d’en donner. Il n’eût pas de camarades, cela fait du bruit ; et, pourtant, il y avait, dans ce cœur essorant, des forces d’amour ; du tempérament hystérique de sa mère, il lui venait quelquefois des envies d’embrasser. Il avait besoin de baisers. Mais, dans un mauvais jour, sa mère, devant une expansion, fut brusque et il ne la prit plus dans ses bras ; et, pour son père, le respect avait absorbé l’amour.

L’enfant ne raisonnait pas ces choses.

Il vécut ces dix premières années comme une plante en cave sans chlorophylle, et il sentait