Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1099

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chose contre l'objet qu'il accorde, celui-là n'éprouve aucun tort; et s'il ne souffre pas d'injustice, il ne la souffre donc pas volontairement.

§ 29. Ajoutez que ceux qui prennent ainsi moins que leur part, et qui semblent traités injustement, s'ils ne reçoivent pas une portion égale à celle des autres, ne manquent pas de se glorifier de ces concessions et d'en faire parade en disant : « J'aurais bien pu avoir une part égale ; mais je ne l'ai pas prise, et je ]'ai abandonnée à un tel, qui est plus âgé, ou à un tel, qui 'est mon ami. » Or, personne ne se vante d'une injustice qu'il a soufferte. Mais si l'on ne fait jamais parade des injustices qu'on subit, et si l'on fait parade de celle-ci, il est clair que dans ce prétendu partage inégal, on n'a point été lésé, en gardant la part la plus petite; et si l'on a point du tout souffert d'injustice, il s'ensuit à plus forte raison, je le répète, que l'on n'a point souffert une injustice volontairement.

§ 30. Je conviens qu'un argument contre toute cette théorie, c'est l'exemple qu'on peut tirer de l'intempérance. L'homme intempérant, dira-t-on, qui ne sait pas se maîtriser, se nuit à lui-même en faisant un acte vicieux ; et il le fait de sa pleine volonté. Donc, il se nuit à lui-même tout en le sachant fort bien ; et ainsi, il souffre volontairement une injustice et un tort qu'il se fait à lui-même de son plein gré. Mais la légère addition que nous ferons à notre définition réfutera ce raisonnement; et