Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/1182

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amis pour leur utilité commune, parce qu'ils ont un même intérêt ; et rien n'empêche qu'un même intérêt ne rapproche des méchants, tout méchants qu'ils sont.

§ 21. Mais l'amitié la plus solidement établie, la plus durable, la plus belle, est celle qui unit les gens vertueux ; et c'est tout simple qu'il en soit ainsi, puisqu'elle s'applique à la vertu et au bien. La vertu qui enfante cette amitié est inébranlable ; et. par suite, cette noble amitié qu'elle produit, doit être inébranlable comme elle. L'utile au contraire n'est jamais le même ; et voilà pourquoi l'amitié qui se fonde sur l'utile n'est jamais stable, et qu'elle tombe avec l'utilité qui l'a fait naître.

§ 22. J'en pourrais dire autant de l'amitié que forme le plaisir. Ainsi, l'amitié qui unit les plus nobles coeurs, est celle qui se forme par la vertu ; l'amitié du vulgaire ne vient que de l'intérêt ; enfin celle du plaisir est l'amitié des gens grossiers et méprisables.

§ 23. Il arrive parfois qu'on s'indigne, et qu'on s'étonne de rencontrer de mauvais amis. Pourtant il n'y a rien là qui doive révolter la raison. Quand l'amitié n'a pour principe que le plaisir ou l'utile, qui la forme, dès que ces motifs viennent à disparaître, l'amitié ne doit pas leur survivre.

§ 24. Souvent, l'amitié demeure malgré ces déceptions ;