Page:Aristote - La Morale d’Aristote, Ladrange, 1856.djvu/766

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nii MOUALE A NICOMAQUE.

opinion que l'intempérant sait au juste ce qu'il fait, et il niait la possibilité même de l'intempérance, en soutenant que personne n'agit sciemment contre le bien qu'il con- naît, et qu'on ne s'en écarte jamais que par ignorance. g 2. Cette assertion est manifestement contraire à tous les faits, tels qu'ils se montrent à nous ; et en admettant même que cette passion de l'intempérance soit simple- ment l'effet de l'ignorance, encore fallait-il se donner la peine d'expliquer le mode spécial d'ignorance dont on entend parler ; car il est bien évident que l'intempérant, avant d'être aveuglé par la passion qu'il éprouve, ne pense pas qu'elle soit excusable. § 3. Il y a des gens qui acceptent certains points de cette théorie de Socrate, et qui en rejettent certains autres où ils ne s'accordent plus avec lui. « Oui sans doute, disent-ils avec Socrate, il n'y a rien dans l'homme de plus puissant que la science. » Mais ils ne conviennent pas que l'homme n'agisse jamais contrairement k ce qui lui paraît le mieux; et s' appuyant sur ce principe, ils soutiennent que l'intempérant, quand

��lui, est involontaire et ne tient qu'à vice sait fort bien qu'il fait mal, et il

rijj,norance. Nul ne fait le mal vo'on- ne s'en laisse pas moins entraîner. F.a

tairement. Voir spécialement le Pro- théorie de Platon montre du reste la

tagoras, page 89, trad. de M. Cousin, haute estime qu'il ressentait pour la

elp. lOi ; leMénon, pagesl59et 162, nature humaine. Il la croyait inca-

ibid.; les Lois, 2, livre IX, page 162 ; pable de faillir, du moment qu'elle

le Sophiste, page 199 ; le Timée, connaît le bien et la vertu. Un peu

page 232, ibid. plus loin, à la fin du ch. 3, Aristote

§ 2. Cette assertion est manifeste- en viendra à justifier en partie la

ment contraire. Aristote a raison théorie Platonicienne, contre Platon. Il est des cas sans $ 3. Il y a des gens. II serait diffî-

doute où le vice ne peut être attribué cile de dire précisément à quels phi-

qu'à l'ignorance; mais dans la plu- losophes Aristote fait ici allusion. C'est

part, l'homme qui se laisse aller au peut-être à Xénocrate ou à Speu-

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