Page:Aristote - La Politique.djvu/186

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royauté absolue, c’est-à-dire celle où un seul homme règne souverainement suivant son bon plaisir, bien des gens soutiennent que la nature des choses repousse elle-même ce pouvoir d’un seul sur tous les citoyens, puisque l’État n’est qu’une association d’êtres égaux, et qu’entre des êtres naturellement égaux, les prérogatives et les droits doivent être nécessairement identiques. S’il est physiquement nuisible de donner une égale nourriture et des vêtements égaux à des hommes de constitution et de taille différentes, l’analogie n’est pas moins frappante pour les droits politiques. Et à l’inverse, l’inégalité entre égaux n’est pas moins déraisonnable.

§ 3. Ainsi il est juste que les parts de pouvoir et d’obéissance pour chacun soient parfaitement égales, ainsi que leur alternative ; car c’est là précisément ce que procure la loi, et la loi c’est la constitution. Il faut donc préférer la souveraineté de la loi à celle d’un des citoyens ; et, d’après ce même principe, si le pouvoir doit être remis à plusieurs parmi eux, on ne doit les faire que gardiens et serviteurs de la loi ; car si l’existence des magistratures est chose indispensable, c’est une injustice patente de donner à un seul homme une magistrature suprême, à l’exclusion de tous ceux qui valent autant que lui.

§ 4. Malgré ce qu’on en a dit, là où la loi est impuissante, un individu n’en saura jamais plus qu’elle ; une loi qui a su convenablement instruire les magistrats, peut s’en rapporter à leur bon sens et à leur justice pour juger et régler tous les cas où elle se tait. Bien plus, elle leur accorde le droit de corriger tous ses défauts, quand l’expérience a démontré l’amélioration possible. Ainsi donc, quand on demande la souveraineté de la loi, c’est