Page:Aristote - La Politique.djvu/197

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§ 3. On concède sans peine tous ces points, quand on les présente ainsi. Mais dans la pratique, on ne s’accorde, ni sur la mesure, ni sur la valeur relative de ces biens. On se croit toujours assez de vertu pour peu qu’on en ait ; mais richesse, fortune, pouvoir, réputation, à tous ces biens-là, on ne veut jamais de bornes, en quelque quantité qu’on les possède.

Aux hommes insatiables, nous dirons qu’ils pourraient ici se convaincre sans peine, parles faits mômes, que les biens extérieurs, loin de nous acquérir et de nous conserver les vertus, sont au contraire acquis et conservés par elles ; que le bonheur, soit qu’on le place dans les jouissances ou dans la vertu, ou bien dans l’un et l’autre à la fois, appartient surtout aux cœurs les plus purs, aux intelligences les plus distinguées, et qu’il est fait pour les hommes modérés dans l’amour de ces biens qui tiennent si peu à nous, plutôt que pour les hommes qui, possédant ces biens extérieurs fort au delà des besoins, restent pourtant si pauvres des véritables richesses.

§ 4. Indépendamment des faits, la raison seule suffit à bien démontrer ceci. Les biens extérieurs ont une limite comme tout autre instrument ; et les choses qu’on dit si utiles, sont précisément celles dont l’abondance nous embarrasse inévitablement, ou ne nous sert vraiment en rien. Pour les biens de l’âme, au contraire, c’est en proportion même de leur abondance qu’ils nous sont utiles, si toutefois il convient de parler d’utilité