Page:Aristote - La Politique.djvu/311

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admet d’ailleurs les mêmes conditions ; mais on transporte la souveraineté à la multitude, qui remplace la loi.

§ 4. C’est qu’alors ce sont les décrets populaires, et non plus la loi, qui décident. Ceci se fait, grâce à l’influence des démagogues. En effet, dans les démocraties où la loi gouverne, il n’y a point de démagogues ; et les citoyens les plus respectés ont la direction des affaires. Les démagogues ne se montrent que là où la loi a perdu la souveraineté. Le peuple alors est un vrai monarque, unique mais composé par la majorité, qui règne, non point individuellement, mais en corps. Homère a blâmé la multiplicité des chefs ; mais l’on ne saurait dire s’il prétendait parler, comme nous le faisons ici, d’un pouvoir exercé en masse, ou d’un pouvoir réparti entre plusieurs chefs qui l’exercent chacun en particulier. Dès que le peuple est monarque, il prétend agir en monarque, parce qu’il rejette le joug de la loi, et il se fait despote ; aussi, les flatteurs sont-ils bientôt en honneur.

§ 5. Cette démocratie est dans son genre ce que la tyrannie est à la royauté. De part et d’autre, mêmes vices, même oppression des bons citoyens : ici les décrets, là les ordres arbitraires. De plus, le démagogue et le flatteur, ont une ressemblance frappante. Tous deux ils ont un crédit sans bornes, l’un sur le tyran, l’autre sur le peuple ainsi corrompu.

§ 6. Les démagogues, pour substituer la souveraineté des décrets à celle des lois, rapportent toutes les affaires au peuple ; car leur propre puissance ne peut que gagner à la souveraineté du peuple, dont ils disposent eux-mêmes souverainement par la confiance qu’ils savent