Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/116

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résulte de là que le bien de l’homme est l’activité de l’âme dirigée par la vertu ; et, s’il y a plusieurs vertus, par celle qui est la plus parfaite, et de plus dans une vie parfaite. Car (comme on dit proverbialement) une hirondelle ne fait pas le printemps, ni aussi un seul jour ; de même un seul jour, ou un temps très-court, ne suffit pas pour rendre un homme complètement heureux.

Telle est donc la manière dont nous considérons le bonheur ; car peut-être convient-il de n’en présenter d’abord qu’une esquisse imparfaite, pour pouvoir en faire ensuite une description plus exacte. D’ailleurs, il est facile à tout homme de perfectionner les objets dont les premiers linéaments ont été une fois bien tracés, et d’en saisir plus distinctement les détails ; le temps aussi devient un moyen puissant d’invention et de perfectionnement, et c’est à cette cause que sont dus les progrès des arts, puisque tout homme est capable d’ajouter à chacun d’eux ce qui lui manque. Mais il ne faut pas oublier ce que nous avons déjà dit, et prétendre en tout au même degré d’exactitude ; il y en a un qui est proportionné à chaque objet, et qui ne saurait dépasser les limites propres à cet objet même, et aux procédés qu’on y applique, ou au but qu’on se propose. En effet, le géomètre et le charpentier ne considèrent pas la ligne droite sous le même point de vue : l’un n’y cherche que ce qui peut être utile à la pratique de son art ; et l’autre, qui a pour but la contemplation du vrai, aspire à connaître ce qu’elle est en