Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/138

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veux dire celle qui est cause de la nourriture et de l’accroissement : car on est autorisé à croire qu’il existe une telle faculté de l’âme dans tout ce qui est susceptible de se nourrir, et, en général, dans tous les germes. Enfin, dans les êtres même qui sont parvenus à leur entier développement, il y a plus de raison pour croire que cette faculté est la même, que pour en admettre quelque autre.

Cette partie, ou faculté, paraît donc avoir quelque vertu commune qui n’appartient pas (exclusivement) à l’homme : car il semble qu’elle exerce plus particulièrement son action dans le sommeil ; or, cet état est celui où le vice et la vertu ne sauraient se manifester, et voilà pourquoi l’on dit communément que, pendant la moitié de la vie, il n’y a aucune différence entre l’homme heureux et celui qui est dans l’infortune. L’on sent, au reste, que cela doit être ainsi : car le sommeil est un état de complète inertie pour l’âme, en tant que l’on peut l’appeler vertueuse ou vicieuse ; excepté que peut-être il s’y produit certains mouvements qui donnent lieu à des visions ou à des apparitions plus régulières, dans l’homme sage et vertueux, que dans les hommes vulgaires[1] ; mais en voilà

  1. Aristote, dans ses Problèmes (Probl. 30, sect. 14), fait encore la même remarque : mais Platon l’a présentée avec cette richesse de couleurs et cet intérêt de sentiment qu’on trouve toujours dans ses écrits. Il oppose le sommeil paisible du juste à ces songes hideux qui assiègent un tyran pendant les nuits, et dans lesquels sa pensée est encore occupée des plus