Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/160

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à la colère, à la pitié ; en un mot, être trop ou trop peu touché des sentiments de plaisir ou de peine, et à tort dans l’un et l’autre cas. Mais l’être lorsqu’il le faut, dans les circonstances convenables, pour les personnes et par les causes qui rendent ces sentiments légitimes, et l’être de la manière qui convient, voilà ce juste milieu en quoi consiste précisément la vertu.

Il y a aussi excès, défaut et milieu par rapport aux actions ; or la vertu s’applique à celles-ci, aussi bien qu’aux passions : l’excès y est une erreur, le défaut un sujet de blâme ; au contraire, le milieu obtient de justes éloges, et le succès s’y trouve ; deux choses qui appartiennent à la vertu. Elle est donc, en effet, une sorte de modération, ou de médiocrité, qui tend sans cesse au juste milieu. De plus, il y a bien des manières d’errer ; aussi les Pythagoriciens comparaient-ils le mal à la quantité infinie, et le bien à la quantité finie[1] ; mais il n’y a qu’une manière de bien faire. Voilà pourquoi l’un est facile et l’autre difficile : rien de si facile, en effet, que de manquer le but, rien de si difficile que de l’atteindre ; et, par cette raison, l’excès et le défaut sont les caractères du vice ; le juste milieu est celui de la vertu ; et comme dit un poète[2] :


« L’homme vertueux ne l’est que d’une seule manière ; le méchant prend mille formes diverses. ».


  1. Voy. ci-dessus, l. i, c. 6.
  2. On ignore quel est le poète dont notre auteur cite cette pensée, exprimée dans un vers pentamètre.