Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/18

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mes pervers s’était prodigieusement accru dans toute la Grèce, depuis qu’aptes avoir assuré son indépendance, elle voyait s’accroître chaque jour sa puissance et sa prospérité. Comme le talent de la parole, dans ses divers états, dont la plupart étaient démocratiques, conduisait aux emplois lucratifs, aux honneurs et au pouvoir, la jeunesse s’y appliquait avec ardeur : aussi voyait-on accourir de toutes parts des hommes qui avaient cultivé ce talent, et qui se vantaient de pouvoir le transmettre à ceux qui en paieraient le prix.

Les Sophistes, c’est ainsi qu’on appelait ces professeurs d’une nouvelle espèce, s’appliquaient à discuter, et même à prouver le pour et le contre, pour toutes sortes de questions de morale, de religion, de politique, d’intérêt public ou privé. Les jeunes gens s’empressaient de se faire initier dans cet art mensonger, et prodiguaient leur patrimoine pour acheter le merveilleux secret de devenir riches et puissants. Ainsi, les doctrines les plus perverses s’accréditaient, et un système de conduite, conforme à ces doctrines, infestait toutes les classes de la société.

Au milieu de cette corruption universelle des opinions et des mœurs, devenue plus générale et plus profonde encore à Athènes que dans aucune autre ville de la Grèce, parce que cette ville était plus riche et plus puissante qu’aucune autre, on