Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/207

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tent différemment. Ceux-là pèchent par défaut ou par excès, au lieu que le dernier tient un juste milieu, et agit comme il convient de faire. Le téméraire se précipite dans le danger, et après l’avoir, pour ainsi dire, provoqué, il lui arrive de lâcher pied ; mais le brave, plein d’ardeur dans l’action, sait rester calme avant qu’elle commence[1]. Le vrai courage est donc, comme nous l’avons dit, un juste milieu à l’égard des motifs de confiance et de crainte, mais particulièrement dans les circonstances qui ont été indiquées précédemment. Il préfère le danger ; et il le brave, parce que cela lui paraît honorable et beau, ou parce qu’il serait honteux de s’y dérober. Pour ce qui est de chercher la mort, afin d’échapper à la pauvreté[2], ou à quelque chagrin, ou à l’amour, ce n’est pas le fait d’un homme de courage, mais bien plutôt d’un lâche ; car c’est une lâcheté de fuir les choses pénibles ou affligeantes[3] ; et alors ce n’est pas

  1. Tacite (Histor. l. i, c. 84) applique la même pensée à une armée toute entière : Fortissimus in ipso discrimine exercitus est, qui ante discrimen quietissimus.
  2. Notre auteur semble faire ici allusion à cette pensée de Théognis (vs. 275) : « Pour échapper à la pauvreté, il faut, cher Cyrnus, se précipiter dans les profonds abîmes de la mer, ou des hauteurs des rochers les plus escarpés. »
  3. Aristote exprime la même pensée dans son Traité de Morale, dédié à Eudémius (l. 3, c. 1), et cite, à ce sujet, ces paroles du poète Agathon : « Il n’y a que les hommes vils et méprisables qui, se laissant vaincre par la souffrance, cherchent avidement la mort. »