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Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/209

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On pourrait placer ensuite ceux qui bravent le danger, quand ils y sont forcés par leurs chefs, mais qui sont inférieurs [à ceux dont nous venons de parler], puisque ce n’est pas le sentiment de l’honneur, mais la crainte qui les fait agir, et qu’ils n’ont en vue que de se dérober à la peine, et non à la honte. Car ceux qui ont autorité sur eux les forcent à s’exposer aux périls, comme fait Hector, lorsqu’il dit : « Celui que j’aurai surpris saisi d’une lâche terreur, et fuyant le combat, espérerait en vain sauver ses jours, et ne pas devenir la pâture des chiens et des oiseaux de proie »[1]. C’est ce que font aussi les généraux qui, en menant leurs soldats au combat, n’hésitent pas à les frapper s’ils reculent devant l’ennemi, et ceux qui placent un corps de troupes en avant d’un fossé, ou d’autres ouvrages militaires ; car ils les forcent [à tenir ferme au moment de l’attaque]. Mais on ne doit pas être courageux par force, il faut l’être par honneur.

Au reste, il semble que l’expérience des événements de la vie contribue au courage ; et, pour cette raison, Socrate prétendait qu’il est, pour ainsi dire, une science[2] : aussi les uns se montrent-ils

  1. Ce n’est pas Hector qui parle ainsi dans Homère (Iliade, ch. ii, vs. 391.) mais c’est Agamemnon. Notre auteur paraît avoir été trompé ici par sa mémoire. Ailleurs (Politic. l. 3, c. 9), en citant les mêmes paroles, il n’a pas commis la même erreur.
  2. Voyez le Lachès et le Protagoras de Platon, où cette opinion est en effet attribuée à Socrate.