Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/237

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quand il lui arrive de ne pas dépenser dans quelque occasion où cela eût été convenable, que de s’affliger pour avoir fait quelque dépense déplacée ; sentiment tout-à-fait contraire à celui de Simonide[1].

Quant au prodigue, il est sujet à errer aussi à cet égard ; car il n’est capable ni d’avoir du plaisir, ni d’avoir de la peine, pour les sujets qui le méritent, ni de la manière qui convient, comme je le ferai voir plus clairement tout à l’heure.

J’ai dit que la prodigalité et l’avarice pèchent l’une par excès, et l’autre par défaut, sous deux rapports, donner et recevoir ; car je comprends les

  1. « Simonide était d’une sordide avarice….. Il vendait les provisions que lui envoyait chaque jour Hiéron, roi de Syracuse, ne s’en réservant qu’une très-petite portion ; et comme on lui demandait la cause d’une pareille conduite, — C’est, répondit-il, afin de faire éclater aux yeux de tous la magnificence d’Hiéron, et ma sobriété. » (Athen. p. 656.) Il disait à ceux qui lui reprochaient son avarice : « Que se voyant privé, par la vieillesse, de toutes les autres jouissances, le plaisir d’amasser était désormais sa seule consolation. » (Plutarch. an Sen. Ger. S. R. P. § 5.) Une autre fois il disait : « j’aime mieux laisser du bien à mes ennemis, après ma mort, que d’avoir recours à mes amis, pendant ma vie. » (Stob. p. 152.) Quelqu’un l’ayant prié de faire des vers à sa louange, et lui disant qu’à la vérité il ne pourrait pas lui donner d’argent, mais qu’il en conserverait une vive reconnaissance : « J’ai chez moi deux cassettes, répondit-il ; dans l’une, je mets l’argent que je reçois, et dans l’autre, les actions de grâce ; mais quand j’ai besoin de quelque chose, celle-ci se trouve toujours vide : l’autre seule me fournit ce qui m’est nécessaire. » (Stob. p. 130.)