Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/277

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Il ne faut donc pas se permettre de tout dire : car toute raillerie a quelque chose qui tient de l’outrage ; or, il y a des paroles outrageantes, que les législateurs eux-mêmes ont cru devoir interdire, et peut-être cette interdiction devrait-elle s’étendre à certaines railleries. L’homme libre, et qui a un sentiment délicat des convenances, sera donc à lui-même son propre législateur en ce genre. Tel est le juste milieu dans lequel il devra se tenir, soit qu’on lui donne le nom de facétieux, ou qu’on l’appelle homme d’une agréable humeur.

Quant au bouffon, il ne sait pas résister au plaisir de la raillerie, et ne s’épargnera pas plus lui-même qu’il ne ménagera les autres, pourvu qu’il fasse rire, fût-ce en disant des choses que n’oserait jamais dire un homme délicat et bien élevé, et quelquefois des choses que celui-ci n’entendrait pas sans dégoût. Mais l’homme d’une humeur austère et farouche, est tout-à-fait étranger au plaisir d’un pareil commerce ; car, ne voulant y contribuer en rien, il se choque et s’irrite de tout. Il semble pourtant qu’il faut, dans la vie, un peu de relâche et d’amusement.

Il y a donc, dans le commerce du monde et de la société, un milieu, à l’égard des trois sortes d’habitudes dont nous avons parlé[1], et qui

  1. Il y a 1° le milieu, à qui il a donné le nom de vérité ou sincérité, entre la jactance orgueilleuse, et la dissimulation (l. 4, c. 7). 2° Entre la manie de plaire et l’humeur austère et que-