Page:Aristote - Morale, Thurot, 1823.djvu/279

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les âges, mais seulement à la jeunesse, parce qu’à cette époque de la vie, l’homme étant exposé à faire beaucoup de fautes, par l’entraînement des passions, on suppose que la pudeur est un frein propre à le retenir. C’est pourquoi on loue les jeunes gens qui ont de la pudeur ; au lieu que personne ne loue un homme avancé en âge, pour être disposé à rougir de tout ; car on pense qu’il ne doit rien faire qui puisse lui causer de la honte, puisque si les mauvaises actions peuvent seules faire naître ce sentiment, il ne convient pas à un honnête homme de l’éprouver, car il ne doit rien faire qui puisse y donner lieu. Et peu importe qu’il y ait des choses véritablement honteuses, et d’autres qui ne le sont que dans l’opinion, car il ne faut faire ni les unes ni les autres, afin de n’avoir point à rougir de sa conduite. D’ailleurs, il n’y a qu’un homme vil et méprisable qui puisse commettre des actions honteuses : or, être capable de commettre de pareilles actions, en rougir, et s’imaginer qu’à cause de cela on est un homme de bien, c’est une absurdité : car on ne peut avoir honte que des actions volontaires, et jamais un homme de bien n’en fera volontairement de mauvaises.

Toutefois, on suppose généralement, ou l’on peut admettre dans certains cas, que la pudeur est un sentiment estimable ; car s’il arrive à l’honnête homme de faire quelque action répréhensible, il en éprouvera de la honte ; mais, encore une fois, ce sentiment n’a rien de commun avec la vertu. Et si l’impudence, qui fait qu’on ne rougit pas de